Article N° 8097
DECONDITIONNEMENT
FRANCE : Deux pharmaciens sanctionnés pour avoir déconditionner des médicaments
Abderrahim Derraji - 12 mai 2025 11:08Deux pharmaciens du plateau des Millevaches, en Nouvelle-Aquitaine, ont été sanctionnés par l’Ordre des pharmaciens d’une interdiction d’exercer pendant six mois, dont quatre avec sursis, pour avoir dispensé des médicaments à l’unité, notamment des benzodiazépines. Cette pratique, bien qu’illégale hors des cas autorisés par la loi (antibiotiques et stupéfiants), est assumée par les deux professionnels comme un acte de responsabilité face aux pénuries et à l’iatrogénie. Antoine Prioux, l’un des pharmaciens concernés, annonce son intention de faire appel et d’ouvrir le débat public sur cette pratique. Il critique une contradiction entre les campagnes de santé publique visant à limiter certaines prescriptions et la rigidité de la réglementation en officine.
Depuis cinq ans, face à la première grande pénurie de prednisolone, les deux pharmaciens ont commencé à délivrer à l’unité différents médicaments : antibiotiques, antalgiques de palier 2, benzodiazépines ,etc. Leur objectif est double : limiter les déchets de médicaments inutilisés et prévenir les risques de dépendance dus à la distribution automatique de boîtes entières d’antalgiques de palier 2 et de benzodiazépines. D’après ces pharmaciens, les traitements sont souvent plus courts que la durée couverte par une boîte, entraînant un surplus inutile. Cette démarche s’inscrit aussi dans une volonté écologique, en évitant le gaspillage médicamenteux.
Antoine Prioux assume une gestion manuelle de la dispensation : découpage des blisters, traçabilité des lots, conservation des reliquats et redistribution gratuite des médicaments restants. Il affirme que les patients sont majoritairement favorables à cette approche. Cependant, en l’absence de dispositions légales réglementant cette pratique, le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens a jugé nécessaire sanctionner les deux pharmaciens. Quant à ces derniers, ils considèrent cette décision comme disproportionnée et symptomatique d’un système rigide.
L’Ordre des pharmaciens a refusé de s’exprimer sur la décision tant que la procédure est en cours. En réponse, les pharmaciens concernés s’interrogent sur les conséquences de cette sanction pour les patients confrontés à des pénuries de médicaments essentiels.
Selon Antoine Prioux, ce n’est pas tant leur méthode qui est remise en cause que leur refus d’appliquer un cadre qu’ils jugent obsolète. Il déplore que la profession reste centrée sur la protection de ses intérêts plutôt que de réfléchir à l’évolution de son rôle dans un système de santé en pleine transformation.
Ce cas met en exergue le décalage entre le cadre réglementant la profession et la réalité du terrain et attentes sociétales. Alors que les pénuries de médicaments deviennent de plus en plus fréquentes et que la pression sur l’accès aux soins s’intensifie, la question de la marge de manœuvre laissée aux pharmaciens revient au cœur du débat. Cette affaire pourrait donc alimenter une réflexion plus large sur les missions du pharmacien, son rôle dans la chaîne de soins, et la capacité du système à s’adapter à des défis sanitaires, économiques et environnementaux croissants.
Source : lemoniteurdespharmacies.fr